La Citadelle Intérieure par Lionel (SoulChildren) [Intw] - HipHop4ever

La Citadelle Intérieure par Lionel (SoulChildren) [Intw]

Salut Lionel comment vas-tu depuis notre dernier échange qui date un peu ( sur l’un de tes précédents projets instrumental solo) ?

Je vais très bien ! Merci ! Je suis très excité et heureux par la sortie de mon nouveau projet. C’est vrai que depuis « Internal Explosives » en 2015 il s’est passé plein de choses dans ma vie et dans mon parcours musical.

Nous avions déjà pas mal pris connaissance de ton parcours (Soulchildren, l’envolée solo, Pejmaxx et la production en général) – donc nous ne ferons pas de redite (Ndlr : allez lire ou relire notre précédente interview > ICI < )

Pourquoi refaire un album solo et quasi exclusivement instrumental ? T’exprimer à nouveau ?

Il faut savoir que c’est mon troisième projet solo. Il y a eu « Internal Explosives » en 2015 et « Le Disque de Sable » en 2018. Pour ce dernier, je n’ai pas sorti de clip et il n’est sorti qu’en digital. Pourquoi refaire un album solo… Ce n’est pas réfléchi, c’est à l’instinct. C’est l’envie et l’occasion de parler sans mot (ou presque) de spiritualité.

On sait qu’encore une fois tu as donné à chacun de tes morceaux des noms de livres et cette fois plus spirituels et plus profonds – quelle en est la raison ? (outre que cela doit être si dur de trouver des titres à des morceaux sans paroles)

Oui voilà. Pour mon premier solo, il s’agissait principalement de nom de romans, pour le deuxième, des noms de recueils de poésie. Pour celui-ci des noms d’ouvrages de spiritualité que je considère comme des maitres dans la vie. Et puis le nom de mes deux filles qui sont mes autres maitres … C’est l’occasion de partager mes lectures, mes découvertes. C’est l’occasion de diffuser cette culture qui est parfois ignorée et regardée avec un œil suspicieux alors qu’elle contient des trésors du patrimoine humain.

Cette fois tu n’es pas véritablement tout seul : tu es notamment rejoint sur quelques titres par un désormais Grand Pianiste du Rap francophone : Sofiane Pamart (de Lille)Comment s’est faite la connexion ? (Je crois savoir via un Belge : Scylla)

C’est peut-être là, la vraie naissance de ce projet: Ce sont des sessions de travail inoubliables que nous avons faites chez moi à trois lors de la conception de l’album de Scylla – « Masque de chair ».

Scylla avait commencé à travailler avec Sofiane sur des titres piano voix qui étaient pour lui comme un virage dans sa carrière. Scylla m’a contacté à ce moment-là pour apporter ma touche (arrangements, beat et voix) sur le morceau – « Qui Suis-je »? Le résultat leur a plu assez pour qu’on organise des sessions de plusieurs jours, plusieurs fois dans l’année chez moi à bosser à trois. C’était des moments géniaux et particulier. Ma femme était enceinte … et puis ma fille Alix est née. On dormait tous sur place, on travaillait, mangeait et vivait ensemble. Ça a été l’occasion de tranches de vie et de créations incroyables. Et de discussions passionnantes. Notamment sur la spiritualité, le soufisme, l’éveil etc. … ça correspondait à une nouvelle étape de la vie avec la naissance de ma première fille et cet intérêt renouvelé pour la spiritualité.

Plusieurs morceaux de La Citadelle Intérieure sont issus de ces sessions de création. Il reste d’ailleurs de cette époque plusieurs instrus ou morceaux jamais sortis et pourtant incroyables !

Comment s’est passée cette collaboration ? Est-ce toi qui lui a donné les orientations : en s’appuyant sur tes rythmiques et arrangements ? Oui lui qui a démarré et toi qui a ensuite travaillé et habillé les sons ? On veut comprendre la magie de la création !

Au début comme je te disais, j’ai été appelé pour arranger un titre existant en rajoutant beat, basse, samples de voix etc. … Mais très rapidement, nous avons commencé à créer ensemble. Comme un groupe. Pour « Je suis » par exemple, j’avais produit une instru avec un sample de violoncelle et j’ai ensuite guidé Sofiane pour habiller le sample avec son piano. C’était génial ! Il cherchait la gamme et improvisait. Je l’arrêtais, lui disais de continuer avec cette idée ou je chantonnais ce que je cherchais. Pour ça, c’est vraiment un super collaborateur qui se met au service de la musique, qui propose beaucoup de choses et qui est très à l’écoute pour aller là où tu veux. Scylla assistait à tout ça et intervenait dans la création avec beaucoup de naturel. C’est à cette période qu’il a pris conscience du potentiel de sa voix (en dehors du rap). Il inventait des mélodies, des chœurs dont il cherchait les harmonies. Pour la petite histoire, les chœurs de Scylla qu’on entend sur « Je suis » disent “Sou ana o“. Ça lui est venu parce qu’on pensait appeler notre fille Swann et que ça l’a inspiré pour créer sa partie vocale. Masque de Chair devait être un album concept qui racontait un conte : un conte spirituel évidemment. Et c’est pour cela que les samples de voix ou les chœurs de Scylla ont cette couleur ethnique (Indien d’Amérique, chant d’Asie …)

Ce projet réunit aussi justement l’autre habitant d’un pays du Nord proche de la France : Scylla – peux-tu nous parler de ton lien avec lui – outre les instrus ?

J’ai commencé à produire pour Scylla il y quelques temps maintenant. Son manager Hkar, que je salue chaleureusement nous avait approché en 2008 pour ce qui allait devenir les projets : Immersion, Second Souffle et puis l’album Abysses. A ce moment – là on avait beaucoup travaillé à distance. J’étais déjà super content des titres qu’on a produit ensemble. C’est vraiment un modèle d’écriture et de rap. Moi-même écrivant de mon côté (roman et poésie) c’est très important pour moi et je sais reconnaitre une plume quand elle se présente. Des morceaux comme « Et toi ? » sont pour moi parmi les plus beaux textes que j’ai pu lire/entendre. (à écouter ou ré-écouter ci-dessous)

Des années ont passé et un jour j’ai eu la joie d’avoir un appel de Scylla pour me demander de travailler sur son projet qui allait devenir “Masque de Chair“. Il y a eu ces rencontres répétées qui ont fait naitre une vraie amitié et au-delà de ça une relation très particulière, intime du point de vue intellectuel et spirituel. Bref, tu l’auras compris, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup.

En fait tu proposes un album qui permet de se poser voir de se reposer qui permet peut-être de faire son introspection : de voir en nous-même (allez écouter le morceau “Bienvenue sur la voie) Cherches tu as nous éclairer ? Nous éveiller ? Parles-nous plus en détail du titre de l’album ?

Oui. C’est, en premier un disque de musique. C’est ce que je sais faire de mieux et le volet créatif le plus facile pour moi. Quand j’écris de la poésie ou de la prose, il faut que je travaille, que je cherche … Quand je fais de la musique, je suis comme un artisan qui sait ce qu’il fait : pour qui c’est une seconde nature.

Pour ce qui est de l’aspect concept du projet, je vais réécrire ici ce que j’ai écrit pour la présentation de l’album sur le site de mon distributeur Modulor. La Citadelle Intérieure est, pour les philosophes stoïciens Marc Aurèle, Sénèque ou Epictète, ce noyau de liberté inexpugnable au cœur de nous-même. Ce « déjà-là » que les courants mystiques de toutes les traditions visent à atteindre par l’Eveil. Le vrai Soi.

Pour moi, jusqu’à il y a très peu de temps, c’était un concept, formidable mais avant tout une idée intellectuelle : quelque chose qu’on trouve dans les livres. Mais après ma rencontre avec Scylla, puis avec d’autres personnes, d’autres lectures et d’autres expériences, il s’est avéré que c’était quelque chose de vrai – qui existe, dont on peut faire l’expérience. Alors avec ce disque, ces musiques, leurs titres et les voix parlées qu’on y trouve : je cherche à témoigner un petit peu de cela. Même si certains diront que toute expérience est par nature incommunicable, ce que je pense effectivement … Alors, oui, pourquoi pas donner l’envie de s’intéresser et de plonger dans ces lectures et dans l’idée d’éveil effectivement.

C’est un projet avec beaucoup de douceur(s) de lenteur – de richesse intérieure mais encore ? 

Tu n’es pas le seul à le décrire comme cela. Je m’en rends compte à présent que j’ai des retours d’auditeurs. On me dit que c’est une sorte de voyage, qu’il apporte calme et douceur. On m’a même dit qu’on l’écoutait pour s’aider à s’endormir.

C’est une facette du Hip Hop qui est assez peu exploitée ou mise en avant même si un bon nombre de morceau de rap sont en réalité de vraies berceuses, belles, harmonieuse et sereine. Je pense à In Love with the Moula de Mobb Deep,  Letter to the King de The Game et Nas , Doctors Advocate de The Game et Busta Rhymes ou encore Neva Have 2 Worry de Snoop Dogg. C’est vraiment une grande source d’inspiration pour moi. Quant au reste et bien c’est une facette de ma personnalité qui rejailli via la musique j’imagine.

Comment s’est faite la création des morceaux : une idée – un thème : parfois des voix – qui relatent une histoire et/ou une morale – explique nous ta magie ?

Je commence toujours par la musique. Par l’aspect mélodique. Toujours. D’ailleurs, en voyant les très bons retours que j’ai sur “Je suis“, je me demande si ce n’est pas la tournure que va prendre ma musique dans le future. De la mélodie. Juste ça. Ensuite, je produis souvent le beat, la basse et en dernier j’arrange le titre. C’est la partie que j’ai le plus de mal à faire. Mais c’est impératif pour ce genre de musique. Pour les voix, ce sont des lectures, des interviews entendus sur le net ou à la radio qui me guident. Il n’y a en réalité pas vraiment de magie, ou une petite portion : celle de savoir d’où viennent les idées … ensuite c’est surtout du travail et du temps.

D’où viennent d’ailleurs les extraits de voix qui racontent nous raconte une histoire ? 

Dans Sagesse et Destinée, c’est la voix d’une personnalité que j’adore : Leïli Anvar que j’ai connue par ses interventions dans l’émission de France Culture Les Racines du Ciel. C’est une spécialiste de la littérature persane, de Rûmi et de la littérature spirituelle au sens large. Quelqu’un de passionnant. Ici elle lit un extrait du livre La Sagesse et la Destinée du prix Nobel belge Maurice Maeterlinck.

Dans bienvenu sur la voie, il s’agit d’un conte (qui existe dans de nombreuses variantes) extrait ici du livre de Eckhart Tolle Le pouvoir du moment présent. Dans De la Spiritualité dans l’art, c’est une interview du pianiste libanais Abdel Rahman El Bacha.

C’est toujours une question difficile mais quel est le / ton morceau préféré ? Peut-être celui avec Lucio Bukowski qui est le seul morceau rappé ? Ou peut-être celui avec tes compères Scylla et Sofiane Pamart ? 

C’est sans hésitation Sagesse et Destinée avec Sofiane Pamart et Scylla. J’ai aussi une affection particulière pour le titre « Alix » que j’ai composé en rentrant de la maternité le jour de la naissance de ma première fille.

On sait que tous les noms de morceaux sont des livres de sagesse, de spiritualité ou d’éveil : comment très venue cette envie d’aller vers cela : tu n’es pourtant pas encore un Grand Sage (rires) (cf. le morceau “sagesse et Destinée“).

J’ai depuis toujours eu une attirance pour les religions. Sans croire en Dieu et sans faire partie d’aucune. J’ai compris avec toutes ces lectures et rencontres qui ce qui m’y attirait était ce que les religions cachent dans leurs traditions spirituelles et mouvements mystiques. Je ne veux pas trop rentrer dans les détails mais je différencierai l’Eveil et la Sagesse. Et tu as raison, je ne suis pas un Grand Sage ! Ah ah ah ! Peut-être pas Sage du tout !

“Sagesse et destinée” et “bienvenue dans la voie” m’ont touché – prenant aussi de l’âge et essayant de devenir sage. Le morceau avec Sofiane “Du Spirituel dans l’âme” aussi pour le côté poétique et l’élévation de l’âme.

Parle nous enfin du morceau (seul) vrai morceau rappé : Avec Lucio (un lyonnais cette fois)

C’est tout simple. Mon distributeur m’a proposé d’inviter un rappeur pour faire un titre qui rentrerai dans la promotion du disque. J’ai envoyé De la spiritualité dans l’art à Lucio Bukowski avec qui je travaille beaucoup (projet Simorgh et un album en cours d’écriture qui s’appellera “ET LE PRESTIDIGITATEUR IVRE MANQUA SON TOUR“). Il a toute suite accepter et m’a rapidement envoyé la version De la sauvagerie dans l’art. C’est un morceau que j’aime beaucoup. Il parle très joliment du rap, des talents et de la plume. C’est un très bel hommage au rap dans son ensemble. Lucio est au même titre que Scylla une très grande plume. Quelqu’un dont on parlera encore dans longtemps. J’aimerai publier ses textes de rap …

On sait que ton projet sort encore cette fois en Vinyle et en Digital mais pas forcément en Cd : explique nous ce choix : outre la beauté de l’objet et le grain ? Moi je veux aussi un Cd !

Il faut se replacer dans le contexte commercial. Qui est susceptible d’acheter un disque de Hip Hop instrumental ? Combien ? C’est mon distributeur qui m’a proposé cette formule vinyle et digital pour être en adéquation avec le marché. Pour le cd, … Je peux t’en graver un si tu veux !

La cover : en Noir et Blanc : un visage comme sur le projet précédent mais différent : quelle était l’envie avec cette pochette ? La complexité du moi – la multiplicité de soi ? Les facettes d’une même personne ?

Je suis d’origine portugaise par mon père. Je suis tous les étés au Portugal et ce jour-là, je me promenai à Lisbonne avec ma femme et mes filles lorsque nous sommes rentrés dans une galerie d’art. J’ai toute suite vu cette œuvre et j’ai su en moins de 5 secondes que j’en ferai la pochette de mon disque. C’était exactement la mise en image du disque. Sans qu’il le sache, cet artiste avait mis en image la philosophie de Douglas Harding et de son livre Vivre sans tête (que j’ai pris comme titre de morceau). Le monde n’est pas en dehors, il est en nous. Il s’agit de prendre conscience d’ “A partir de quoi nous voyons” qu’on peut aussi appeler “Nature originelle” dans le bouddhisme zen, ou Déité chez maître Eckhart. D’où ce visage qui s’ouvre pour laisser voir des montagnes et le monde entier.

Et qui a réalisé cette cover ? 

L’artiste s’appelle GREBISM. Il est portugais. Son travail est incroyable. Nous avons publié une vidéo montrant une partie de la conception de l’artwork du disque sur ma page YouTube. Il fait de la xylogravure. Il grave son idée sur une planche de bois ou une plaque de lino puis l’enduit d’encre pour imprimer le dessin sur papier. Une fois qu’il a accepté de travailler avec moi, nous avons eu de nombreux échanges par mail pour parvenir à la pochette finale. C’est vraiment un artiste exceptionnel de talent et de gentillesse. Il faut absolument voir son Instagram !

Un clip est sorti : très épuré très orienté sur le regard et l’horizon – encore un côté élévation ?  Qui a réalisé le clip : toi comme souvent ? 

Le clip du « Cantique des oiseaux » a été réalisé par Remi Granja (Dok). C’est aussi quelqu’un d’extrêmement talentueux, disponible et travailleur. Ce n’est pas une mince affaire de réaliser un clip à partir de rien pour de la musique instrumentale. Il a travaillé à partir d’images fixe et de courtes vidéos autour de l’idée de rencontre des opposés et du retournement des perspectives (horizons qui se rencontrent etc…). Il a aussi intégré une séquence qui fait référence au livre Le cantique des oiseaux. J’ai de très bon retours sur ce clip. Je l’adore ! Je l’ai même montré à mes élèves en classe !

Le 2ème clip Je suis a été réalisé par Nour Dize. Le 3ème clip Tao-Te-King a été réalisé en animation par Mathilde Jully. J’ai également réalisé 2 autres clips (Alix et Salomé) qui sortiront ensuite.

Quels sont les prochains projets te concernant ?

Je travaille encore beaucoup pour la télévision (l’Emission Cash Investigation). Je prépare un projet que je produis presque entièrement avec le rappeur Bakary Sama. Je bosse aussi sur notre 2ème album commun avec Lucio Bukowki. Je continue à produire pour Scylla. Je devrais être sur l’album d‘Isha. Et celui de Rocé. Il y a l’album d’Ol Zico sur lequel j’ai produit 2 titres qui va sortir très bientôt. On devrait commencer à bosser sur un album commun avec Swift Guad et Ol Zico

Conseille nous 4 livres : ceux qu’il faudrait lire avant de partir et/ou de trop vieillir et de ne plus pouvoir lire … 

J’aimerai vous en conseiller 50 mais bon… je vous propose ceux auquel je pense toute suite :

  • Je suis de Nisagadatta Maharaj
  • L’Eveil spirituel de José Le Roy
  • Le mont analogue de René Daumal
  • Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad

Le traditionnel mot de la fin ?

Ecoutez mon disque et prenez soin de vous.

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