Direction Montparnasse, Paris 15 pour rencontrer un rappeur conscient : Tonio Banderas. Ce Mc vient de Chartres, et a sorti il y a quelques moi un nouveau projet : “Frères d’armes” : vous vous demandez peut-être qui il est et ce qu’il a pu faire dans le rap et bien, HipHop4ever va vous donner de l’information sur ce rappeur encore trop peu médiatisé!
Dany : Tonio, bonjour, peux tu nous dire pourquoi ton blaze ressemble à celui d’un acteur célèbre ? Fais tu aussi du cinéma ?
Tonio : non ça n’a aucun rapport avec l’acteur c’est juste parce que Tonio est mon vrai prénom et ensuite il y a des gens qui m’appelaient Tonio Montana quand j’étais plus jeune et un jour un de mes potes m’a appelé Tonio Banderas et j’ai trouvé que l’idée était pas mal et donc j’ai gardé ça. En plus, ca faisait un peu un coté latin et je me suis dis puisque je suis portugais je pourrais garder ce nom.
D : Tonio, peux tu te présenter plus : tu viens de Chartres, tu as commencé avec des projets avec une bonne portée comme “Mission Suicide”, tu avais fait aussi des choses avec Bakar, peux tu revenir sur tes débuts ?
T : Je viens de Chartres. A l’époque j’avais posé sur des cassettes avec des potes à moi : des mix tapes et j’ai rencontré Eben des 2Ball 2Neg : ça c’est bien passé entre lui et moi au niveau artistique et au niveau humain et il m’a proposé de poser la compilation “Mission Suicide” qu’il faisait avec Kilomaitre à l’époque et donc il m’a invité dessus à faire un morceau : j’ai fais mon premier morceau là bas. Ensuite le temps est passé, j’ai présenté Bakar aussi à Eben, et donc on devait sortir un projet ensemble : et ca a tardé à sortir. Ca a trainé et moi je voulais sortir quelque chose : j’ai dis à Eben : viens sortons quelque chose, un maxi. A l’époque il n’était pas chaud, et m’a dit d’y aller seul si je voulais : et avec Bakar on a sorti notre maxi : on a tout fait tout seul : de A à Z : les instrus étaient d’Eben, mais on est allé en studio, on a mixé le tout… Ensuite Bakar a été chez Kilomaitre, donc notre projet commun est tombé à l’eau. Bakar m’a demandé si cela ne me dérangeait pas et je lui ai dis que non, moi je suis resté avec Eben. C’est vrai que cela a été long, entre ce moment là et la sortie de l’album, mais je suis resté jusqu’au bout pour sortir le projet (Boycott).
D : Peux tu nous re-situer dans le temps les projets Mission Suicide (MS) et ton premier album?
T : 2001 pour MS et Boycott est sorti en 2007 donc il s’est écoulé plus de six ans. Six ans où je n’ai pas fais grand chose : le maxi avec Bakar et ensuite j’ai posé deux trois “bricoles” comme “Têtes Brulées 4” mais aussi sur la Tape de Dj Poska “Spéciale Province”, et une apparition sur Hématome Concept. J’avais envie de faire des trucs, mais pour Eben ce n’était pas dans son délire, il disait que ça ne servait à rien de sortir des trucs, ça a donc été un peu contre ma nature. J’avais envie de poser, lui ne voulait pas donc ça a trainer, même l’album en lui même était prêt depuis pas mal de temps…
D : Il y a de cela quelques mois tu a sorti un nouveau projet : “Frères d’armes”: pourquoi ce format : ce n’est ni un 5-6 titres donc un format EP, ni un 15-20 au format LP : tu annonces peut être un nouveau projet avec un street album ?
T : oui là c’est plus un concept Street, après je ne sais pas trop la différence entre un street album et un album, mais cela reste un street parce que j’ai voulu parce que tu parles des titres aussi de faire une suite après : une sorte de volume 1 et 2. Au lieu de mettre 17 titres, sur un projet, j’ai préféré le scinder en deux.
D : il est intéressant de rentrer plus en détail de ce projet mais d’abord peux tu nous raconter comment tu écris des morceaux comme Boycott (du précédent projet) ou comme GodIblissYou : des morceaux ou tu écris vraiment beaucoup de choses, et beaucoup de successions de thèmes d’un coup : comment cela te vient ?
T : Tout part de l’instru : parfois cela ne s’explique pas. Tu as l’instru qui te donne des idées, tu écris et tu écris et cela vient comme ça. Il y a des morceaux où je ne me force pas à chercher un thème avant : il y a des morceaux où je sais que je vais plus partir sur un thème : comme c’est le cas sur Boycott par exemple : qui est un morceau sur l’alcool : et ça je l’avais décidé : et quand l’instru est arrivé : je me suis dis c’est ce morceau là : mais pour beaucoup d’autres il n’y a pas de thèmes défini, cela part à l’instinct.
D : ton album comporte dix morceaux, à l’intérieur de ces 10 il y a un seul vrai solo plus l’outro et du coup, peux tu nous expliquer ce choix d’avoir choisi de faire beaucoup de featuring (7 au total) ?
T : C’est justement le concept que je voulais réaliser avec que des feats. Et j’ai aussi rajouté un solo parce que quand j’ai eu l’instru que j’ai beaucoup apprécié, je me suis dis : fait donc un solo là dessus, et c’est aussi une occasion pour ceux qui ne me connaissent pas encore d’éviter qu’ils se disent ou pensent : “ouais le mec il ne fait que des featurings” : je dois rappeler que je sais aussi rapper tout seul. Ce projet est vraiment un kiff que j’ai fait et pour ceux qui ne connaissaient pas l’album Boycott, sur lequel d’ailleurs il y a très peu d’apparitions d’autres rappeurs : et là je voulais simplement montrer que je sais aussi rapper tout seul, mais mon but était de m’entourer d’artistes que j’apprécie.
D : au niveau des featuring, tu as fait appel à de belles personnes : tu as pu avoir des gens comme Mac Tyer, Sté Strauss, Black Jack (des Démocrates D), comme Kazkhami, Kalash l’Afro et encore Bouga : comment se sont faites les connexions ? Mais aussi le choix de ces collaborations :on y retrouve des anciens (Bouga, BlackJack et Sté), mais aussi des rappeurs dits de la 2ième générations : parle nous du choix des artistes ?
T : Le choix c’est de mettre vraiment beaucoup d’anciens, après tu ne peux pas non plus avoir tout le monde, mais mon but premier était de mettre des anciens : donc je suis parti avec quelqu’un comme Black Jack; comme Sté, et même ceux qui sont moins “anciens”, ils sont quand même présents depuis un petit moment : même Mac Tyer est là depuis un petit moment, bon après la difficulté c’est vraiment d’avoir tout le monde.
D : Il y a des gens que tu aurais aimé avoir à tes cotés ?
T : Oui, mais on verra peut-être sur le prochain projet: il y aura d’autres personnes. Le but était donc d’avoir des gens qui sont là depuis longtemps et même s’ils ont un blaze moins connu : ce n’est pas grave : ce sont des gens que j’apprécie aussi musicalement : c’était ça le but.
D : Comme prévu nous allons rentrer plus en détail dans cet album à travers le premier morceau. Ce morceau a donc été mis exprès en premier pour introduire ton univers. Il se nomme “God Ibliss You”, il est assez complexe, pour ne pas te le cacher : tu y mets beaucoup de thèmes : tu t’y présente en expliquant que “tu as le coeur qui saigne”, tu montres en fait qu’il y a un combat contre toi même : tu essaies de prendre du recul sur toi même, tu y parles aussi d’argent, tu préviens les auditeurs de se méfier et tu dis aussi que “tu puises ta force dans ton écriture”. En somme dans ce morceau tu te dévoile et met en garde tes auditeurs.
T : C’est une foulée de sentiments, tu peux interpréter ça comme des faits religieux, ça peut être des choses que tu retrouves dans la musique, même si personnellement je n’aime pas parler de religion dans mes morceaux, mais c’est des sentiments que tu ressens, aussi bien au niveau de la vie que des choses que tu rencontres, de ta vie de tous les jours en fait. Quand tu grandis, tu as certains problèmes et tu peux avoir un certain malaise au fond de toi et c’est ce qui fait que tu écris des morceaux comme ça. C’est un espèce de mal-être…
D : Tu rajoutes dans le morceau “mes textes restent dark” : tu as vraiment un univers assez rap conscient en général, mais assez sombre ?
T : Oui je suis assez sombre, après c’est plein de choses : il n’y a pas un seul thème, c’est un mélange.
Voici le morceau en écoute : [audio:http://www.opendrive.com/files/5679157_A0HGq/TONIO%20HH4EVER1.mp3]
D : On va maintenant aborder le morceau que je préfère qui est celui avec Black Jack : avoir BJ et cette voix surtout, ca doit être assez impressionnant du fait de sa sacrée voix, et surtout un instru magnifique à la fois doux et gras : une voix douce en fond et un beat assez violent dessus : qui a fait cet instrumental ?
T : La prod a été fait par un mec de Paris qui s’appelle l’Artiste.
D : Bravo l’artiste (rires)
T : Il m’avait fait écouté pas mal de prods et j’en avais bien apprécié deux, mais l’autre était plus mélancolique, et moi justement je voulais des morceaux plus patate, et quand j’ai écouté celle-là il y a un truc qui m’a parlé : la voix d’enfant qui revient tout le temps. Je l’ai fait écouté à Black Jack qui a kiffé et donc ça a été facile pour faire le titre.
D : pour revenir sur ce morceau : tu te présentes comme l’outsider, tu parles du rap brut et pas de pute, l’idée c’est que tu parles aussi des coups de bâtons qu’on a pu te mettre et tu expliques que tu prends plus ou moins ta revanche : et tu dis un truc intéressant : “Boycott on a fumé les stocks” : tu as vendu tout ce qui a été pressé ?
T : Pas vraiment tout, mais je me suis bien débrouillé. J’annonce un peu le retour, je suis ne vais pas me proclamer outsider mais bon j’ai pas vraiment beaucoup de visibilité, et je me bats avec mes moyens et je trouve que c’est vrai qu’avec le recul des fois je me dis que j’aurai pu avoir un autre parcours. A l’époque quand je regarde sur mission Suicide, il y avait beaucoup de buzz ; tous ceux qui étaient là ils ont tous percés, pratiquement en tous les cas : et voila j’ai eu un parcours différent, mais je ne regrette pas. Après tu as des opportunités, pleins de choses et parfois il faut baisser son froc et moi je suis un peu tétu, il y a des trucs que je ne ferai pas : peut-être que je me referme, mais ce n’est pas grave, au moins quand j’arreterai le rap je pourrais me regarder dans la glace, tout ce que j’ai fait je ne le regretterai pas.
D : Black Jack est magistral sur ce morceau : il parle des politiciens, du fait de se battre, il essaye plus ou moins de faire la révolution à l’intérieur du morceau en disant “on devrait tous naitre avec les mêmes droits” , il trouve que les politiciens sont des oppresseurs : il est assez critique envers la société et ils dit qu’il investit son temps dans la résistance, en fait est ce toi qui lui a donné ce thème, est ce lui qui a voulu partir comme cela ?
T : non c’est lui, il savait que j’avais une écriture plutôt consciente, et donc il avait écouté Boycott et il est parti dans un délire un peu conscient et politique. C’est quand même un grand monsieur, cela fait longtemps qu’il est là : il a des choses à dire, il a du vécu : c’est un morceau avec de la pèche.
D : Y a t’il eu des échanges particuliers ? c’est presque un Papa : il fait parti des “Papas” on va dire:ya t’il eu une symbiose ?
T : C’est le premier morceau que j’ai fait et ça c’est super bien passé : humainement déjà on s’est bien trouvé,même quand on a enregistré, on était vraiment dans une bonne ambiance, et franchement c’est vraiment un bon gars : j’ai vraiment apprécié la connexion.
D : En parlant de bien se trouver il y a encore un autre morceau que j’aimerai aborder avec toi : le morceau avec Kazkhami. Ce dernier est plus jeune, près de la trentaine, peux tu nous parler de la complicité que tu peux avoir avec lui : c’est pour moi un excellent morceau car on sent celle ci : et j’allais dire que vous étiez de la même génération de rappeurs : la deuxième. Enfin, c’est un morceau simple qui parle de la vie de tous les jours : peux tu nous parler de tout cela et de tes échanges avec ce rappeur ?
T : Kaz quand je l’ai contacté était super “opé”, cela a été très rapide : on a choisit l’instru ensemble, on a écouté pas mal d’instrus, c’est même moi sur la fin qui ait choisi cet instru : lui était finalement d’accord sur n’importe laquelle : et je ne sais pas je suis tombé sur celle là et je trouvais aussi qu’elle avait un délire différent : un truc un peu west-coast : c’est vrai que le beat est spécial, mais j’ai trouvé cela original. On est ensuite parti sur ce thème là.
D : Et le concept du comment : avec la multiplication du mot “comment”
T : Ca c’est parce que lui le disait dans son texte et je me suis dit que cela serait bien de reprendre ça pour le refrain et il a été convaincu : et c’est comme ça que nous sommes partis sur le délire du “comment”.
D : le dernier morceau que j’aimerai aborder avec toi est “le parcours du combattant” avec Mac Tyer. Encore une fois un duo,mais quel est le sens de ce morceau : toi tu y dis “Réussir c’est avaler l’anaconda à la place de la couleuvre”
T : Oui c’est dire que c’est “plus dur que dur”, c’est plus dur pour certains.
D : Mac Tyer (moitié de Tandem) a cette chance d’avoir pas mal de visibilité, parce qu’il est super prolifique, il a sa propre structure, il se bouge beaucoup, qu’est que cela fait de rapper avec un mec qui est vraiment très actif et qui essaye de se démerder pour proposer des choses ?
T : C’est surtout que lui il est vachement Hip Hop, tu l’appelles pour lui dire viens on fait un morceau et il déboule direct. Lui je le connaissais depuis l’époque de Mission Suicide aussi, donc il n’y a pas eu de soucis. On s’était un peu perdu de vue depuis pas mal de temps, mais quand je l’ai recontacté il m’a dis aucun souci : cela s’est fait très vite aussi. C’est me mec qui peut te faire dix morceaux en deux trois jours : le mec il écrit écrit, débite.
D : toi justement pour parler de l’écriture, mets tu longtemps à écrire ? on voit que tu soignes ton texte et on pense que cela ne vient pas forcément à la seconde, ou bien as tu une écriture “assez naturelle” et fluide ?
T : Moi ça va en général assez vite : je ne suis pas quelqu’un de méticuleux, de pointilleux…
D : pourtant le résultat fini est précis
T : oui mais je ne suis pas là à me prendre la tête, à recommencer un texte, moi quand mon 16 ou mon 24 est fini je ne suis pas à revenir dessus. Quand c’est écrit je passe à autre chose. Bizarrement il y a des morceaux que j’écris d’une traite et d’autres que je vais écrire en plusieurs étapes. Un morceau d’une traite peut me prendre par exemple deux heures, mais ca dépend : certains morceaux viennent plus vite. Quand je vois que je galère je zappe, parce que je n’ai pas envie de bacler certains trucs, donc je zappe et revient dessus plus tard. Parfois tu as moins d’inspiration mais tu veux quand même aller à la fin du morceau : au lieu de dire des conneries tu arrêtes et tu reviens plus tard pour bosser. Donc en fait finalement je suis un peu méticuleux (rires), mais pas trop quand même.
D : Tonio, passons maintenant sur des questions plus générales : as tu acheté ou écouté des albums récemment ?
T : Bishop Lamont(rappeur Us), je me tiens au courant des sorties rap français.
D : Tu suis donc le rap français ?
T : oui mais vite fait tout de même : il y a des gens qui me parlent de certains artistes que je ne connais pas et sinon je suis, mais je suis un peu noyé dans tout ce qui se fait, j’écoute moins de rap qu’avant : mais j’en écoute encore. Finalement, j’écoute de tout, de la Soul, je peux tomber sur un morceau de Reggae, un morceau de rock… c’est de la musique. Mais, avant j’écoutais beaucoup de rap, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, j’écoutais beaucoup de rap français et américain et maintenant très peu… je me suis un peu lassé de tout ce qui est sorti : je pense qu’il y a trop de trucs qui se ressemblent : et plus trop d’identité. Avant t’écoutais n’importe quel album : personne ne rappaient pareil, maintenant tu as parfois l’impresssion d’avoir des copies de copies : même au niveau du son c’est toujours les mêmes sons.
D : C’est vrai qu’avant tu reconnaissais directement la patte d’un Beat Maker : exemple tiens ca c’est un son de Sully Bee…
T : Mais pour revenir sur le rap Français, j’ai écouté les dernieres sorties : le dernier album de Mac, le dernierMédine,… voila pas trop de choses finalement.
D : Tonio, le mot de la fin ?
T : J’espère que c’est le début d’une nouvelle aventure, j’aimerai encore faire un album, mais d’ici là, entre temps faire un deuxième volet de “Frères d’armes” pour poser avec d’autres gens avec qui je n’ai pu le faire sur le premier. Après je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais après si tout va bien faire un vrai album solo.
Retrouvez Tonio Banderas sur son myspace : http://www.myspace.com/rapconscient
Merci à Tonio pour sa disponibilité! Dany pour HipHop4ever