Le groupe Ärsenik était un des groupe invité au Festival Terre(s) Hip Hop. Nous avons eu l’opportunité, toujours accompagné de nos journalistes en herbe du Collège de Bobigny pu passer plus de 30 minutes avec eux. Voici la première partie de cet échange avec le duo de frangin qui distillent tous deux leurs vérités et quelques gouttes de poison. Ci-dessous la version audio de la première partie de l’interview.
Bonjour Messieurs, merci de nous recevoir – l’idée est d’abord de reprendre le concept de l’interview Blaze – je vous avais déjà expliqué ça la dernière fois – et cette fois avec les élèves du collège République de Bobigny – nous avions envie de lancer ça pour vous mettre en confiance afin que vous soyez à l’aise pour la suite.
Lino : c’était quoi déjà ?
À chaque fois je vous donne un mot : pour la lettre A je donne Artiste
L : on a commencé alors (rires) – artiste – je ne sais pas moi – Mozart – Tarantino –
R : comme Riche
Calbo : ça va de À à R ?
En fait pour faire Ärsenik
C : ah d’accord – oui riche du cœur –
L : ah arrête de mentir (rires) – pas celle la
C : riche c’est la famille
L : mais arrête (sourires) – non l’argent, l’oseille.
S : comme Sensation
L : ah ouais vous allez loin – sensation mon frère (rires), d’accord – faire de la scène – l’interactivité
C : si on est encore là c’est qu’on a les bonnes sensations : l’interactivité avec le public. C’est ça qui fait qu’on donne toujours, parce que le public nous le rend bien !
L : oui le retour des gens – sans sensation il n’y a plus rien !
Après il y a le E comme Énergie :
L : oui c’est un peu dans la continuité
C : c’est ce qu’on donne sur scène – tu verra ce soir – quand on donne un show c’est toujours beaucoup d’énergie !
N comme Nature ?
C : Nature parce qu’on ne change pas – on chante comme on est !
I : comme Innovation
L : oui mais après l’innovation cela dépend ce qu’on en fait. Comme on dit, il faut toujours garder des choses du passé et faire les deux : il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où on va. Donc quand on innove. Pour parler du rap, il y a des choses qui sont catastrophiques ! Donc je pense que les jeunes rappeurs devraient s’inspirer de ce qui s’est fait avant, avec les techniques d’aujourd’hui et innover.
K : comme Kilomètres ou Kilos
C : J’ai cru que tu allais dire Kangourou (rires)
L : ou Kadeaux (rires)
K : Kilomètres, oui. Toutes les années, tous les kilomètres qu’on a fait en tant qu’Ärsenik, Bisso Na Bisso ou Noyau Dur …
L : et Tefa (rires)
C : tous les kilomètres parcourus dans le monde, à faire nos concerts et nos machines
L : et après c’est quoi ? Kilo ? Oui, j’ai perdu quelques kilos, je ne sais pas si cela se voit (rires) …
Pourquoi et comment avez vous commencé, et comment s’est formé votre duo ?
L : Un peu comme tous les mecs de notre génération qui s’intéressent au Hip Hop. C’est un peu un réflexe, nous on baignait dedans, le Hip Hop arrive et nous on est automatiquement intéressés par ça parce que c’est la culture qui nous ressemble le plus. Même si cela vient des États Unis. Donc on rentre par ça : par la danse, le graff, même si on bluffe en danse et en graff, mais on est meilleur dans le rap donc on persiste dans cette voie-là.
Et pourquoi ?
L : Parce qu’on est influencé par cette génération-là. Et la plupart des mecs de notre génération ont été influencé par ça ! Pourquoi je ne peux pas te dire !
C : simplement parce qu’on avait ces talents de graffeurs ou de danseurs – on est plus dans l’écriture et dans le rap. À l’époque c’était vraiment mouvement Hip Hop qui comprenait danse rap et graf et nous on a choisi notre art : c’était le rap.
L : moi je n’étais pas mauvais en danse d’ailleurs …
Qui est-ce qui vous a inspiré ?
C : à l’époque les groupes qui nous ont inspiré – c’était du RUN DMC, des groupes comme ça !
L : Nas, Jay-Z … KRS-One … Peut être que cela ne vous dit rien …
C : Il faut aller sur internet !
L : À partir du moment où vous vous intéressez à cette culture, vous allez chercher. Nous on avait rien (Ndlr : pas internet) mais on cherchait parce qu’on s’intéressait à ça !
Mais la nouvelle génération à changé …
L : non – je ne pense pas que cela soit une question de nouvelle génération – je pense que c’est l’intérêt que vous mettez à ça ! À partir du moment ou vous vous intéressez à cette culture la – vous allez chercher – je veux dire nous on a avais rien – mais on cherchait – parce qu’on s’intéressait à ça !
C : avec un outil comme internet tu peux t’intéresser aux origines du Hip Hop – tu as juste à taper
L : avec Internet – tu n’as même pas besoin de bouger – nous on allais dans les soirées – des soirées “coupes gorges” … Machin … Vous vous avez juste à cliquer !!
C : tu vois aujourd’hui il y a pleins de jeunes de votre génération qui portent des Jordan mais combien connaissent Michael Jordan alors qu’il n’ y a qu’à taper sur internet
L : c’est grave : c’est comme s’intéresser au foot et ne pas savoir qui est Maradona ! Tu vois il y a quand même un problème. Si tu t’intéresse au foot tu sais qui c’est, et bien pour le HH c’est pareil.
Comment s’est formé votre duo ?
C : on est frère – donc le duo s’est formé dans la chambre. On était la famille nombreuse – 2 frères – donc on a commencé à Rapper
L : on était pas deux frères – on est 4 frères
C : oui mais nous est deux à Rapper. Non même le troisième rappe aussi. On grattait dans la chambre et cela s’est fait naturellement. Formation familiale.
Vous Rappez depuis les années 90 – avez vous déjà songé à arrêter le rap ?
L : tous les jours (rires)
C : rires
L : Après arrêter … Le rap ce n’est pas comme si on était à l’usine – le rap ce n’est pas l’usine non plus – arrêter c’est un grand mot !
C : il y a plus de bons côtés et en même temps le jour ou tu as envie d arrêter c’est que tu ne le sens plus – que tu n’as plus la fibre – plus la vibe comme on dit ! Nous tant qu’on a la flamme pour le truc, on va le faire. Le jour ou on aura plus envie on arrêtera !
L : quand tu as des idées, des trucs à dire, tu peux avancer – ce n’est pas une question générationnelle : il faut avoir quelque chose à dire avoir quelque chose à mettre sur la table – si je n’ai plus rien à dire je me casse …
C : il y a des gens qui n’ont plus rien a dire et qui arrêtent mais nous on a encore beaucoup de choses à dire
L : il y aussi des mecs qui n’ont plu rien a dire et qui continuent …
C : ceux qui n’ont rien a dire et qui sont encore là !
Vous avez travaillé en solo et en groupe, quelles différences y a t’il ?
L : il y a plus de boulot
C : déjà et puis quand tu es en solo tu donnes plus – tu fais moins de concessions – souvent en groupe tu es obligé de penser, de réfléchir à deux – ou quand on a fait Bisso Na Bisso on était plusieurs – on réfléchissait à 9 ! Le propre du solo c’est que tu raconte ce qui sort de ton cœur !
Quand vous vous re-écoutez – comment percevez vous vos premiers morceaux ?
L : cela dépend de quelle période on parle – si on parle de 77 ou d’après …
C : quand on réécoute nos morceaux – nous ce qu’on perçoit ? Et bien tu as l’impression que le monde n’a pas bien changé … Depuis l’époque ou on chantait ces morceaux tu te rends compte qu’on peut les mettre aujourd’hui et c’est la même chose !
Les assumez vous toujours ?
C : on assume toujours ! Après comme on dit quand on écrit – car nous on écrit toujours ce qu’on vit et voit – notre quotidien : on a évolué – donc aujourd’hui le raisonnement il n’est peut être plus pareil qu’à l’époque.
L : oui c’est ça le point – à un moment tu réfléchissais d’une certaine manière, tu étais donc plus jeune et quand tu grandis tu as peut-être d’autres réflexions qui arrivent et tu comprends vie différemment – donc il peut y avoir des choses avec lesquelles on soit moins d’accord mais c’est tout à fait normal. C’est le processus normal : un artiste est un être humain : il réfléchit comme tout le monde. Toi quand tu vas évoluer il y aura des idées que tu n’aura plus – nous c’est la même chose.
C : le jour ou tu fera des enfants … Tu arrêtera le shit (rires)
Quel est l’album dont vous êtes le plus fier ?
C : quelques gouttes suffisent
L : oui on va dire ça.
Quel est le titre dont vous êtes le plus fier ?
L : il y en a beaucoup – après si on rentre la dedans – on a pas fini
C : la réponse qu’on peut te donner c’est qu’on traite nos morceaux un peu comme tu traites tes enfants – c’est à dire que tu aimes tous tes enfants pareils – sur un vingtaine de morceaux et bien …
L : si je veux être polémique – je ne dirai pas ça … Rires … Je ne dis rien.
Comment vous renouvelez vous ?
C: avec le quotidien, avec la vie – comme on t’a dit au début on chante notre quotidien – on chante ce qu’on vit et ce qu’on voit et on se renouvelle avec le chant.
Comment trouvez vous l’inspiration et la force de monter sur scène après toutes ces années ?
L : la drogue (rires)
L : non après il faut avoir les sensations, il faut le sentir ! Si tu n’as plus le jus tu le sens : il faut aimer ça.
C : tant que le public réclamera
L : il faut être porté aussi – il faut que les gens biffent ce que tu fais et et être porté par les gens aussi.
Y a t’il toujours du stress avant un concert malgré votre expérience ?
L : oui c’est obligé. Tout le monde stresse – si tu ne stresse pas tu foire.
C : c’est comme les gladiateurs : c’est un bon stress
L : le stress c’est la peur de mal faire – donc c’est une bonne chose. Si tu as peur de mal faire et bien tu as conscience qu’il faut y aller.
C : donc c’est une bonne chose.
L : les moments ou on a pas de stress c’est là ou c’est bizarre : tu peux rater un show parce que tu es trop détendu.
C : le stress c’est aussi l’envie d’en découdre – et quand tu as un concert, c’est l’envie d’y aller – et d’en finir pour attaquer autre chose ou une autre date.
Pouvez vous décrire l’évolution du rap français entre vos débuts et aujourd’hui ?
L : il a évolué un peu
C : avec ses hauts et ses bas … La musique c’est comme pour tout – c’est un truc – chacun a ses goûts – chacun a ses choix …
L : je vais faire la réponse consensuelle : mais en fait elle peut être vraie aussi : le rap est à l’image de la société actuelle – c’est à dire que le rap évolue comme la société évolue : le rap est connecté à la réalité – et automatiquement – aujourd’hui (ça va être un peu sérieux la …) on est dans une société qui devient de plus en plus individualiste – cela soit voit même dans le rap : il y a moins de groupes qu’à l époque : il y a beaucoup plus d’artistes solos : on devient très individualiste : c’est l’oseille et voilà. Il paraît que la c’est la crise, mais les gens sont très portés sur le rendement immédiat et internet qui est arrivé : les clics / le buzz … Tout à changé – tout a été chamboulé : on n’est plus sur l’artistique : on est plus sur sa qualité artistique mais sur le buzz, le combien de vues. Il y a tout un truc qui a été chamboulé avec les nouvelles technologies. On a perdu le côté artistique de la chose. Après on peut sortir de là de bons artistes en France – il y en a quelques uns aussi… Mais au États Unis, quand tu vois un mec comme Kendrick Lammar – tout a l’heure je parlais des artistes jeunes qui savent prendre ce qu’il y avait à l’époque et ce qu’il y a maintenant – ce type la sait le faire. C’est la bonne synthèse : arriver à faire les deux, sans être seulement dans l’époque : il prend la force qu’avaient les artistes de l’époque qu’on appelle L’âge d’or de l’époque et il le fait à sa sauce et ça tue parce qu’il a compris le truc.
Que pensez vous des rappeurs qui ont actuellement un succès commercial comme Booba ou Kaaris ?
L : Booba cela fait longtemps qu’il es là ! Cela fait longtemps qu’il a du succès commercial
Kaaris alors ?
L : Oui plutôt … Ouais c’est bien pour lui … Mais cela faut aussi qu’il est la mais il n’a pas connu le succès automatique comme Booba a pu l’avoir
C : le jour ou tu remontera sur nos interview passées tu nous demande un avis sur un artiste, Im fait son biz, son truc, si ça marche tant mieux pour lui – nous artistiquement on fait notre truc on n’essaye pas de voir si untel ou untel fait ceci où cela – nous on fait notre truc.
Qui vous inspire – quelles sont vos influences musicales ?
C : on écoute beaucoup de choses
Justement c’est peut être ce qui a fait qu’on a pu faire des trucs comme Bisso Na Bisso – car on écoute des trucs musique africaine, rap, ragga, toute sorte de musique. Si je dois te donner des noms – il y en a beaucoup : il faudra aller piocher dans ces musiques là.
Quelles difficultés avez vous rencontrées au cours de votre carrière ?
L : on a pas rencontre tant de difficultés que ça – on est arrivé et ça a marche tout de suite en fait – et on a deux albums officiels d’Ärsenik et le reste c’est du bonus, les deux albums sont certifiés.
Les difficultés – oui – après il y a des conneries du aux mésententes avec les labels. Quand on s’est barré des maisons de disques, et des problèmes administratifs …
C : si tu veux – la plus grosse difficulté qu’on pourrait mettre dans un truc artistique c’est plus l’administratif – quand les papiers, les contrats commencent à rentrer – dans l’histoire voilà où ça bégaye un peu (…)
Fin de la première partie de cette interview fleuve réalisée au Canal 93. Merci aux deux frères pour leur réponses sans concessions, à Daphné, aux élèves : Enrick, Moussa et Amar ainsi que Julien leur professeur. La seconde partie de l’interview arrive très vite.
Photos de Live (C) Balk Creative
Plus d’informations :
En complément : Rencontre avec les 2Bal (Doc et G-Kill) : https://www.hiphop4ever.fr/2bal-intw/