Dany : Stelio, je t’ai croisé plusieurs fois dans les salles obscures (Expression Capitale à la Miroiterie par exemple dont tu étais l’un des organisateurs) où punchlines, scratchs et basses nous ont mis d’accord, rappelons que tu viens de Semur-en-auxois près de Dijon et que ta carrière derrière un mic a commencé il y a déjà un petit moment(on y reviendra). Pour commencer à te découvrir voici le traditionnel interview Blaze avec la lettre S comme style.
Stelio : Je trouve ça important d’en avoir un quand tu rap ou plutôt un flow…un truc qui te caractérise pour que ton texte passe bien à l’oreille des gens. C’est aussi important que le texte. Pour moi si t’as des bons textes mais pas de style écrit des bouquins c’est préférable…
D : je te propose la lettre T comme “Toucher”
S : toucher les gens avec ma zik c’est ce que je prétend faire … j’essaie d’aborder des thèmes marquants et personnels aussi. Beaucoup m’ont dit s’être reconnu dans tel ou tel passage du titre le choix d’une vie.
D : je te propose la lettre E comme ” Expression libre”
S : je dirais que pour moi c’est capital (rires) : Écoute a la base c’est ce coté spontané des freestyle de rue et open mic qui m’a attiré dans le rap.Depuis mes 16 ans j’ai toujours organisé des concerts : soit des petits podiums soit des grosses scènes. Tu peux demander, il y a toujours eu un open mic dans mes soirées… J’avais fait venir Tepa à Semur en Auxois en 2004 qui m’avait parlé d’une péniche sur Paris qui abritait des soirées clash et open mic et directement avec mon pote dj Scred on s’est retrouvé à faire des aller-retours Dijon Paris dans la soirées juste pour les open mic du Batofar (Battle arena, End of the Weak,etc….)j’ai rencontré pas mal de Mc’s la bas..je me suis pris des claques mais celz m’a fait avancer de ouf. Donc naturellement en arrivant à Paname j’ai cherché à recréer ce genre de délire et c’est la qu’avec mon pote larchyteckt (co-organisateur) on a rencontré l’assoc moteurs qui est a l’origine des soirées “Expression capitale” a la miroiterie; donc on a repris la direction artistique des soirées pendant plus de 2 ans puis Nasme nous a rejoins. On as fait tourner le mic a beaucoup de Mc’s.
D : je te propose la lettre L comme “life” (ta vie)
S : Énormément axé sur le rap et le hip hop : même trop (rires) je commence à plus m’intéresser au reste ces derniers temps…
D : je te propose maintenant la lettre I comme “Industrie” (du rap)
S : J’ai envie de dire fuck le rap game! Ce n’est plus ce que c’était déjà a cause du téléchargement : les gens n’achètent plus de skeud c’est mort. Après le rap en lui même a beaucoup changé : les instrus les thèmes la façon de rapper. Maintenant c’est la légèreté qui fait recette et les beat news styles éléctro a mort. Cela dit il y a encore une poignée de mc qui restent sur les rails et quelques puristes pour les suivre !
D : enfin je te propose la lettre O comme “Oppression”
S : Un bien grand mot. Je ne dirais pas que l’on est des opprimés mais c’est sur qu’on est marginalisé, montré du doigt et surveillé de près..Le “on” ici implique pas seulement les noirs ou les arabes mais l’ensemble des jeunes et des personnes d’origines étrangères ou même françaises.
D : Après cette introduction, revenons sur ton premier album de 12 titres “Le choix d’une vie” sur lequel tu donne un aperçu de tes thèmes, forces et faiblesses. En effet, te dévoiles par exemple dans les morceaux : exemple avec le morceau survivre : tu te dévoiles beaucoup avec la difficulté de vivre pour certain, la misère, la difficulté économique , la volonté d’avoir une vie de rêve ; tu y parles de ta paternité, de tes sentiments : et de ceux qui te soutiennent, et ton envie de survivre :
S : Effectivement c’est un titre assez général et assez personnel en même temps c’est un état d’esprit sur le moment. C’est un long couplet sans refrain : ça me permet de mettre sur papier mes humeurs et mes pensées. J’avais déjà écrit un titre dans ce style il y a quelques temps.(“J’me bats pour.”-voir net tape poussière d’or) ! C’est un genre de défouloir pour moi : j’avoue il y a un coté triste et mélancolique dans ce titre. C’est le reflet d’une partie de mes pensées ou de mes souvenirs : j’ai connu des moments de déprime comme tout le monde je pense. Seulement il y a des choses qui m’ont marqué et c’était important pour moi de les partager.
D : Ma route : tu y explique d’où tu viens : “je viens de là où…” : d’un monde parallèle qui est d’ailleurs un de tes autres morceaux : dans ce morceau tu expliques que tu es toujours en galère, mais que tu reste droit et que tu te fiches des jaloux : certains t’ont mis des bâtons dans les roues ? Ta vie est un combat ? expliques nous cela ? Évitez la zone et l’usine ?
S : Ma route c’est surtout un pied de nez à quelques personnes qui ne croyaient pas en mon rap ou a moi tout simplement..je me souviens de 2 profs du collège qui n’arrêtaient pas de me dire que je n’arriverais à rien et qui ont tout fait pour que je ne suive pas le parcours que j’aurais voulu. c’était limite de l’acharnement..Au dernières nouvelles l’une de ces profs a croisé ma mère et lui a demandé que je lui dédicace mon cd (“au collège on m’as dit p’tit t’ira jamais jusqu’au bac,pour une bonne place t’es trop black, alors reste au fond d’la classe,moi en retour je Leur ai dit, fuck,moi un jour j’aurais des plaques, et c’est vous mêmes bandes de blates qui mystifieraient mon blaze”) Pari tenu!
Pour te dire ma mère est très fière de ce titre car ce rejet elle l’a vécu avec moi. Au début elle n’était pas d’accord que je rap (mes 1ères scènes à 12 ans) mais elle a vu que j’étais sérieux et que je ne lâcherais pas. Ce titre c’est aussi par rapport à certains Mc de ma région qui faisait bien les malins avec moi a l’époque mais qui au final n’ont fais que des fêtes de la musique régionale : “les visages ont changés les anciens jaloux font la bise, les anciens collègues sont jaloux portent l’œil mais bon ça c’est la vie” après j’ai voulu aussi parler du fait que j’avais une ligne directrice et que j’allais m’y tenir : Je ne suis pas la pour le biff. J’ai un taf pour ça et ça m’apporte un équilibre : bien sur je crache pas sur un cachet..mais c’est pas le 1er argument à prendre en compte pour une scène ou un feat c’est d’abord musical..
D : Mais c’est aussi un album dans lequel tu dénonces avec par exemple le morceau : Colonisation 2 : un texte sur les origines, l’Afrique, le fait tu parles d’intégration, du passé, du fait qu’on ne fait pas de place à certains dans notre société : un texte engagé sur les clichés du “jeune noir…” : “on nous accuse depuis le berceau” : tu te sens parfois mis à l’ombre, mis de coté : peux tu développer cela ?
S : Il faut savoir que j’ai grandi dans une petite ville de province.A paris quant tu est étranger en banlieue tu ne vois pas le racisme de la même façon car les gens ont l’habitude de vivre avec des étrangers. Dans mon coin ce n’était pas le cas.On nous as bien fait remarqué notre différence. Quand en 6eme ton prof d’histoire te lance en plein cours texto “Retourne dans ta jungle ici on est civilisé” tu te poses des questions sur l’enseignement et la place que te laissera la société en tant que fils d’immigrés. Mais dans ce texte je ne traite pas seulement de racisme. Il s’agit de la place que nous laissent les institutions en tant que minorités et en tant que jeunes aussi. On nous dis qu’il serait temps que l’on s’intègre mais on est une génération d’enfants d’immigrés nés ici donc d’avantage Français qu’étrangers. L’identité nationale, les Français de souches, quels sont ces termes? ça veut dire quoi? C’est une évidence on ne nous a pas encore accepté comme français. Certains efforts on été fait oui, mais ils étaient très maladroit (Roselmack placé juste au moment de la campagne de Sarkozy et tout le monde connait ses liens avec Bouyges et tf1)! On entend aussi des abérations du gouvernement qui ne pousse pas les choses dans le bon sens. Bien sur que la colonisation a eu un rôle positif pour les pays d’Afrique si on omets les pillages,tortures,viols et meurtres opérés à cette période.
Ne parlons donc pas non plus des 17 millions d’hommes et femmes arrachés a leurs familles pour ensuite avoir été réduit a l’esclavage dans des conditions des plus inhumaines. Oui j’ai du mal a me sentir français. Bien que je ne connaisse que ce pays, je suis originaire du Bénin mais je ne connais que peu ce pays. C’est la France qui m’a vu naitre et je ne connais qu’elle : mais quelle relation entretien un enfant avec sa mère quant elle l’a rejeté toute sa vie?
D : Un album de bon rap ne peut pas contenir au moins un morceau “egotrip” : je retient à d’abord le morceau “le choix d’une vie” qui est d’ailleurs le premier que tu as choisi de mettre en avant ! mais ce n’est pas q’un morceau égo-trip : c’est aussi un morceau sur la manière de rapper et les choix qui vont avec :
Il y a aussi le morceau “Après” en featuring avec Nasme qui est un morceau plein de punchline, et d’égo trip :”après mon 16 beaucoup d’Mcs cesse le rap”, comment s’est faite la connexion avec Nasme et pourquoi avoir écrit ce texte ?
S : Bien écoute le titre “le choix d’une vie” est tout sauf un égotrip. C’est une prise de conscience sur les différent choix que t’as a faire et qui peuvent carrément tout faire basculer. J’ai essayé d’utiliser des images forte comme le mec dans le World Trade qui se demande si il faut sauter du building pour éviter les flammes. Je pense qu’un parcours c’est une succession de choix.Faut faire les bons pour arriver ou tu veux : c’est ce coté que je voulais développer.
Pour le feat avec Nasme “Après” c’est venu comme ça. On s’est rencontré au batofar puis je l’ai recontacté pour les soirées Expression Capitale.Le courant est bien passé et je kiff ce qu’il fait depuis 45 Scientific donc naturellement je l’ai invité : le titre c’est une forme d’égotrip ou ça balance de la punchline sur tout ce qui peut se passer après…Mais comme d’habitude ya toujours de quoi réfléchir dans le titre.On l’as beaucoup joué en live, les gens ont bien kiffé sur ce titre donc on as fait le clip avec Izirek production… Je suis content des premiers retours du clip. On l’a tourné entre St Denis et Ménilmontant : les endroits ou on traine le plus sur paris.On as tourné le truc en une journée.. Tu as pu voir que ça c’est fait dans un bon esprit. Encore une fois c’est sans artifice. Pas de gamos, pas de meufs de string…Désolé pour les amateurs de ce genre de visu, nous on va a l’essentiel!
Voici le clip “Après”
D : Enfin le freestyle qui ce fait assez rarement sur un album : mais nous en avons discuté ensemble, cet album est ta carte de visite, plus un street album pour montrer ta palette sonore mais qui permets de bien conclure un album riche en fond et forme : as tu quelque chose à rajouter sur cet album ?
S : C’est vrai pour moi c’est plus un EP dans le sens ou c’est pas construit comme un album. C’est une 1ère flèche… Avec le freestyle jai voulu ramener l’esprit à l’ancienne ou tu ramènes un beat lourd et tu fais poser un maximum de punchliner dessus ! jai invité des potes a moi et des MC’s que je kiff comme Wira, Karna,Sandro ou encore Saloon. On est 14 sur une prod de Melopheelo : C’est du sérieux.
D : Quelle est la suite Stelio ? De nouvelles session d’Expression Capitale (rappelons que la Miroiterie a fermé et c’est un grande perte pour la scène rap indépendante), un nouvel album ?
S : A voir pour les Expression, il parait que la salle tourne toujours : on verra a la rentrée. Sinon je pense qu’on peut s’attendre a une prochaine net tape de ma part avant un vrai premier album.
D : Stelio qu’évoque pour toi HipHop4ever ?
S : C’est une expression qu’on utilise souvent avec Sandro…On oublie trop souvent le Hip Hop ce n’est pas que le rap et c’est bien que tu le rappelle avec ton site et tes articles qui ne sont pas que centré sur les MC’s.
D : Stélio, le mot de la fin ?
Le choix d’une vie dans les bacs : allez soutenir!!
Plus d’informations sur Stelio :
- Myspace : www.myspace.com/steliostaff
- Facebook : Stélio choix d’une vie